Binta Sarr, née en 1954 à Guinguinéo (Sénégal) est diplômée de l’Ecole inter-états des Techniciens Supérieurs de l’Hydraulique et de l’Equipement Rural de Ouagadoudou (Burkina Faso).
Binta Sarr était une activiste pour la justice sociale, économique, culturelle et politique, en plus d’avoir occupé le poste de Chef de la Division régionale de l’hydraulique de Kaolack. Cet engagement a amené Binta Sarr à diriger la section féminine de l’association « Magg Daan » dans son quartier tout en occupant la fonction de responsable régionale de l’hydraulique dans la fonction publique. Après 13 années de service, celle-ci a choisi de quitter le fonctionnariat pour travailler pleinement auprès de femmes rurales et marginalisées. Binta a ainsi abandonné une grande carrière d’ingénieure, pour travailler modestement avec des communautés de femmes en milieu rural. Pour reprendre les propos d’une de ses anciennes collaboratrices, c’est la profondeur de son engagement féministe qui l’a fait choisir de poursuivre le projet associatif plutôt que de rester dans l’administration.
En 1988, les jeunes femmes de la section féminine de Magg Daan ont créé l’Association pour la promotion des femmes sénégalaises (APROFES) sous la direction de Binta Sarr, après avoir mené des réflexions pour mettre en place une structure autonome formée uniquement de femmes, ayant pour rôle de relever les défis de l’autonomisation économique des femmes et aussi de promouvoir leurs droits. Dans les années 2000, l’association APROFES a reçu l’agrément pour devenir une ONG. Cette organisation œuvrant pour la promotion de la femme sénégalaise est née du constat selon lequel les femmes rencontrent des difficultés non seulement dans la jouissance de leurs droits élémentaires, mais également dans l’accès aux crédits, à la terre, ou encore aux postes de responsabilité.
L’une des approches de APROFES était la formation au leadership, non seulement dans le cadre d’activités économiques mais également en lien avec les droits des femmes et leur accès à des fonctions décisionnelles. Sous la houlette de Binta Sarr, APROFES a été une organisation très active sur les questions liées aux droits des femmes, à la promotion du leadership féminin et à l’accès des femmes aux instances de décision.
A APROFES, Binta a réalisé un travail impressionnant, sans doute en apportant sa rigueur d’ingénieure, allant beaucoup plus loin dans la vision et dans l’ambition que bon nombre d’associations de femmes à travers tout le Sénégal : création de coopératives et de 2 mutuelles de santé et de crédit, car pour le monde associatif, il est toujours difficile de trouver des financements. En outre, l’ONG a mis en place un point d’écoute pour les femmes victimes de violences. L’organisation est intervenue dans plusieurs projets dans la région de Kaolack portant notamment sur la création de classes d’alphabétisation, la construction de latrines, de points d’eau, des programmes agricoles pour assurer la sécurité alimentaire, des causeries de sensibilisation sur les droits de la femme…
Binta Sarr était une femme très respectée par sa communauté et connue dans le monde entier, grâce aux résultats tangibles qu’elle a obtenus avec APROFES dont elle a été Présidente du Conseil d’administration. Membre de la société civile, elle a été très active au sein du CONGAD et a siégé au Comité citoyen des assises nationales de 2012 pour la région de Kaolack. Elle est restée attachée à l’action citoyenne, car selon elle, les partis politiques ne répondaient pas à ses aspirations.
Binta Sarr, c’est l’histoire d’une solidarité féminine qui dure, l’histoire d’une détermination qui a mené à une réussite incontestable sur cette voie de la solidarité.
Binta nous a quittés le 15 septembre 2019.
Bineta Sarr Ly renvoie à un quartier Kasnack, à une association de quartier l’ACS Magg-Daan au départ et une ONG, l’APROFES et à une cause : celle des femmes.
Pendant près de 40 ans cette technicienne supérieure de l’hydraulique promise à une carrière de haut fonctionnaire dans l’administration a tout laissé tomber pour un idéal. Celle d’une société plus juste où le genre ne constituerait plus le déterminisme principal pour avoir accès à des droits et privilèges au détriment du travail et du mérite. Une philosophie de la vie que la fille du doyen Maty Sarr a commencé à mettre en pratique au sein de la section féminine de l’Association Culturelle et Sportive Magg Daan dont elle est membre fondateur aux cotés de celui qui sera son époux Mamadou Lamine Ly ‘’Mama’’, de Bassirou Sarr, Chérif Diop, Cheikh Mané, Abdou Ndiaye, Cheikh Diop, Ndeye Diagne et autres pionniers du Mouvement Sports et Progrès (MSP). Une éclaircie dans la nuit de la confiscation des libertés publiques et des droits individuels dans ce Sénégal de l’Etat UPS-PS et de la pensée unique où les séances de ‘’Caada gi ‘’ laissaient éclater des talents insoupçonnés de créativité et d’expression artistiques chez les jeunes de Sara à Bongré de Ndangane à Dialègne en passant par l’épicentre que constituait le quartier traditionnel de Kasnack . Ici à travers un théâtre populaire et engagé le procès de l’ancienne puissance coloniale française et ses suppôts de l’époque se tenait.
Des fresques où la figure de Blaise Diagne s’entrechoquait avec celle de Lamine Senghor premier communiste de rang connu au Sénégal. De la verte Casamance apparut à l’époque la saga de la dame de Kabrousse Aline Sitoe Diatta, inconnue du grand public que ces plateformes d’expression populaire contribuaient à faire découvrir aux jeunes du Sénégal. Formée dans ce magma culturel et politique incandescent Binta Sarr Ly finit par en être le produit le plus élaboré en créant l’APROFES. Un creuset à partir duquel toutes ses réflexions sur le développement à la base trouvaient un cadre d’expérimentation. De simple association de quartier, l’APROFES est devenue une ONG de référence touchant toutes les composantes du développement économique et social.
De l’hydraulique villageoise, à la santé communautaire en passant par les mutuelles de crédits et de santé et le théâtre d’intervention populaire tout y passé. Une reconnaissance internationale consacrée par la tenue en février 2011 du premier sommet social mondial en terre africaine dans sa ville natale. Devant des sommités de la lutte altermondialiste, elle est parvenue à inscrire Kaolack au centre des cités symboles de la cause de l’économie sociale et de la résilience contre la mondialisation sauvage.
Un demi-siècle de combat que les différentes structures qu’elle a contribué à mettre en place lui survivront sans conteste. C’est tout le défi que les responsables du Magg Daan, de l’APROFES, de la mutuelle Téranga, de Woyofal Paj et de Baamtaare devront relever. Adieu Binta ! Gageons que ton immense héritage sera préservé.